Le Fléau
"Il me regarde, Felgrim, je sens qu'il cherche quelque chose au fond de moi.
Oui, ton âme, pour la dévorer."
On ignore exactement quand le Fléau a commencé à répandre son poison sur les terres d'Akenos. Les premières fresques, les premiers témoignages au travers du monde pictural, remontent à des vestiges datant d'avant la première ère. Pour autant, n'avoir trouvé aucune trace n'apporte pas de certitude.
Aucun habitant d'Akenos ignore ce qu'est le Fléau. Les savoirs populaires attribuent au Fléau l'ensemble des horreurs para-normales que rencontrent les aventuriers, explorateurs, mais aussi et d'une façon générale les superstitions et les mauvais sorts.
On sait que les redoutés mages noirs tirent une partie de leur pouvoir du Fléau, notamment la capacité à réanimer les morts où à emprisonner l'âme des vivants. Tout être normalement constitué ressent le fléau, sa corruption, et son agression profonde au delà de la chair : dans les tréfonds de l’existence, de la vie elle même.
D'après les érudits, la magie interdite et le fléau seraient intrinsèquement liés. Attendu que ceux pratiquant des arcanes du sang finissent toujours par manifester une corruption caractéristique, exhalant si intensément qu'ils ne peuvent la dissimuler sans efforts.
Quoi qu'il en soit, le Fléau représente la plus grande menace ayant pesé sur Akenos. Au delà même de l'alignement des trois astres, dont le feu incarne au regard des Shamans de Kanderal un renouveau naturel.
Ceux qui sont pris par le Fléau, pour la majorité, perdent tout ce qu'ils avaient de conscient. Animaux, humains, ils ne deviennent alors plus que d'infâmes marionnettes mues par leurs instincts les plus primaires et violents. On les appelle "Les affligés", les "corrompus" ou encore "les infectés".
Plus grave encore, le Fléau se répand à la façon d'une maladie. Au travers des griffures, morsures, ou même de la consommation de l'eau ou des plantes contaminées.
Aussi, peu de gens se risquent dans les zones infectées. On dit que les clercs de Kanderal, au travers certaines plantes, certains rituels shamaniques, sont capables de sauver une personne atteinte : sans certitude de succès. Les Prêtres, eux, parviendraient à en dissiper les effets au travers l'usage d'intrigants cercles de runes.
Les abominations qu'a généré le fléau sont parfois si puissantes, si fortes, qu'elles emportent dans le tourment des villages entiers. Aussi, lorsque le Fléau gangrène une région, les vivants ont coutume de laisser de coté leurs griefs personnels pour s'unir afin de lutter contre. C'est néanmoins les Gardiens d'Akenos qui, principalement, se sont fait les défenseurs de la vie face à l'horreur.
Les Dragons sont les seules créatures résistant à la corruption, capables d'encaisser un certain nombre de blessures sans finir eux même par venir grossir les rangs des monstres claudicants aux orbites vides. Pour une raison que nul n'explique, ou que le clergé de Kanderal garde précieusement secrète, leurs gardiens sont aussi forts de cette étonnante capacité : Aussi, les Gardiens d'Akenos arpentent-ils le monde sans relâche pour repousser les créatures de l'ombre, protégeant les vivants quitte à y laisser leur propre vie s'il le fallait.
Malgré l'ensemble des efforts des Gardiens d'Akenos, des hommes et des femmes unis contre, le Fléau avance et empiète de plus en plus sur la vie. On accuse les mages du sang de le nourrir en essayant d'en exploiter le pouvoir, d'autres encore y voient la punition des dieux et clament que seule la foi pourra le repousser.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas rare qu'à la nuit tombée une femme pleure la disparition de son enfant, et le retrouve le lendemain le regard vide et la peau blême, claudiquant les bras tendus vers le néant...